18 septembre 2023

Alerte sur les ruptures de droit des personnes bénéficiant d’un titre de séjour

Lundi 18 septembre l’abej SOLIDARITE et plusieurs association partenaires ont adressé une lettre ouverte au Préfet du Nord. Cette lettre alerte sur les délais anormalement longs de traitement des demandes de renouvellement de titre de séjour ou une demande de changement de statut.

Chaque jour nos organisations reçoivent des personnes plongées dans des situations dramatiques, se retrouvant du jour au lendemain sans autorisation de séjour et de travail faute d’avoir reçu leur récépissé de leur demande.Du fait de ces ruptures de droit, beaucoup ont déjà perdu leur travail ou leurs droits sociaux. D’autres vivent dans l’angoisse de vivre la même situation.

Face à cette situation insoutenable les organisations signataires demandent une stricte application de la réglementation en vigueur afin que ces personnes obtiennent automatiquement et sans délai un document attestant de la régularité de leur séjour. Cette attestation permettra d’éviter les ruptures de contrats de travail et le basculement de ces personnes dans des situations d’extrême précarité tant administrative, qu’économique et sociale


Voici la lettre :

Monsieur le Préfet,
Nous souhaitons vous alerter sur la situation des personnes ayant déposé une demande de renouvellement de titre de séjour ou une demande de changement de statut. Dans le Nord, et plus particulièrement dans l’arrondissement de Lille, la situation est complexe et devient insoutenable.

Nos organisations reçoivent chaque jour des personnes plongées dans des situations dramatiques, se retrouvant du jour au lendemain sans droit au séjour parce que le délai de traitement de leur demande de titre de séjour est devenu anormalement long. Ce sont nos collègues, nos collaborateur.rices.s, nos étudiant.e.s, les hommes et les femmes hébergé.e.s dans nos foyers, locataires de nos résidences … nos concitoyen.ne.s.

Ces personnes, jusqu’ici en situation régulière, se retrouvent démunies d’autorisation de séjour et de travail parce qu’elles n’ont pas reçu, de la part de vos services, un récépissé de demande de renouvellement de leur titre de séjour, ou une attestation de prolongation d’instruction quand leur demande devait être faite en ligne sur le site de l’ANEF, documents auxquels elles ont pourtant droit en application des articles R.431-12 et R. 431-15-1 du Code de l’entrée, du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Du fait de ces ruptures de droit, beaucoup hélas ont déjà perdu leur travail ou leurs droits sociaux. D’autres vivent dans l’angoisse de vivre la même situation, de ne pas pouvoir commencer ou poursuivre une formation, payer le loyer, nourrir leur famille, etc., comme le montrent les témoignages en annexe. Ces personnes se reportent alors sur d’autres associations sociales ou humanitaires pour leur venir en aide, venant ainsi surcharger des dispositifs déjà fortement sollicités, alors qu’elles étaient en mesure jusque-là de subvenir à leurs besoins.

Nous regrettons qu’aucun accès physique ne soit possible pour venir se renseigner directement en
Préfecture. A défaut, nous utilisons les boîtes mails dédiés pour prendre attache avec vos services.
Toutefois les réponses restent rares, rendant l’accès au service public impossible.

Ces difficultés ont été portées à votre connaissance par plusieurs de nos organisations. Malheureusement les courriers que nous vous avons adressés sont demeurés sans réponse ou sans solution efficiente pour les personnes accompagnées.


La seule explication du non-respect des délais de dépôt de dossiers par les personnes ne peut être avancée. La grande majorité des personnes concernées ont déposé leurs demandes en temps et en heure. Si quelques-unes ne l’ont pas fait, cela tient principalement au fait qu’il n’est pas simple de trouver l’information sur les modalités de renouvellement, difficulté que la dématérialisation a accentuée.


Les organisations signataires vous demandent sincèrement et en application de la réglementation en vigueur, que les personnes déposant une demande de renouvellement de leur titre de séjour obtiennent automatiquement et sans délai un document attestant de la régularité de leur séjour, afin d’éviter lesruptures de contrats de travail et le basculement de ces personnes dans des situations d’extrême précarité, d’angoisse et de souffrance.


Nous vous remercions pour l’attention que vous porterez à notre présente lettre et sommes à votre
disposition pour vous rencontrer et échanger sur ces difficultés. Dans l’attente de votre retour, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de notre haute considération.


Témoignage

« Dès que la période de renouvellement arrive, on est en stress total. On est 6-7 mois tranquille et ça recommence. »
Depuis l’obtention de son Master 2, Monsieur renouvelle sa carte de séjour « salarié » tous les ans , et ce depuis plusieurs années. Il témoigne du stress vécu à chaque fois.
Dans les autres régions où je vivais avant, je prenais le rdv une semaine à l’avance et j’obtenais le récépissé sur place, le jour où j’étais reçu. Quand je me suis installé à Lille il y a 3 ans, on me dit qu’il faut envoyer le dossier salarié par la Poste pour avoir un rdv. En conséquence, je suis resté deux mois sans titre de séjour.
Heureusement que ma boîte était très compréhensive. L’année d’après, j’ai anticipé et envoyé mon dossier un mois et demi à l’avance et là on me dit que j’aurais dû le faire deux mois avant. Du coup, j’ai eu 15 jours de retard pour avoir le récépissé.
Cette année, je l’ai envoyé le 7 juin, soit deux mois et demi avant. Arrive la date d’expiration, le 23 août, pas de récépissé. J’ai envoyé des mails cet été à la Préfecture pendant mes vacances en Algérie, mais pas de réponse. Une fois rentré, je vais à la Préfecture mais l’agent de sécurité me dit d’envoyer un mail.
Je subis la pression de mon nouvel employeur qui m’écrit : « Je crains, sauf régularisation rapidement, que nous soyons contraints de mettre fin au contrat nous liant ». Sans titre, je n’aurais pas eu le chômage, et sans travail, j’aurais été démuni.
Il y a eu beaucoup de stress. J’ai une famille, je dois les nourrir. Dès que la période de renouvellement arrive,on est en stress total. On est 6-7 mois tranquille et ça recommence.
Quand j’ai reçu le courrier de la Préfecture, je n’y croyais pas. J’ai tâté l’enveloppe avant d’ouvrir et j’ai senti la photo. Je n’en revenais pas. J’ai appelé ma femme. Incroyable !



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