14 septembre 2023

L’alimentation dans nos lieux d’accueil

Il est 8h du matin, l’accueil de jour, rue de Solférino, ouvre ses portes. De nombreuses personnes se pressent à l’intérieur pour quitter un instant le monde de la rue et se poser au sein de notre Accueil de jour après une nuit passée dans la galère, à la rue, dans un squat ou sur le canapé d’une âme charitable. Un café pour se réchauffer, du pain pour se substanter. Aujourd’hui c’est jour de fête : il y a aussi quelques pâtisseries gràce à la générosité d’une bénévole.

Il est 9h du matin, c’est au tour du CAARUD/ Point de Repère d’ouvrir ses portes. Là-aussi, les jeunes de 18 à 25 ans et les usagers de drogue de tout âge passent la porte et viennent trouver un peu de réconfort. Les baguettes sont fraîches, il y a du fromage, des boissons. Après ou avant la douche, c’est selon les envies de chacun, mais tous apprécient ce qui leur permet de tenir une journée de plus.

Il est 11h30 et c’est le rush au sein de l’Accueil Solférino. C’est le moment où l’on prépare ensemble les sandwiches, au thon ou au fromage. Les personnes accueillies peuvent donner un coup de main et participer à la préparation de ces sandwiches. Il faut voir l’habilité de ceux qui coupent les baguettes en deux et les ouvrent avec dextérité. Et que dire de ces experts capables de tartiner de beurre une demi-baguette en moins de temps qu’il faut pour le dire. Chaque sandwich est mis dans un petit sac permettant de le distribuer de manière hygiénique et de le transporter si la personne n’a pas le temps de le manger tout de suite. En une quinzaine de minutes, ce sont 120 sandwiches qui sont préparés !

Deux fois par mois, l’équipe propose aussi un extra : un repas amélioré (salades de pâtes, wraps, taboulé…) et un goûter pour fêter les anniversaires avec des gâteaux préparés par ceux qui veulent célébrer ce jour spécial.

Il est midi. Depuis le début de l’année 2023, l’accueil Solférino ne ferme plus ses portes et ça change tout. Plus besoin de sortir dans le froid ou le chaud de l’extérieur, tout le monde peut rester et profiter des sandwiches distribués et agrémentés de salades, sauces et crudités variées. Qu’est-ce que ça fait du bien de manger à l’abri, sur une table, entouré de ses amis, connaissances ou de l’équipe ! Et dire qu’avant, il fallait les manger dans un recoin, sur un escalier ou sous un porche.

Il est midi quinze. C’est fou, les 120 sandwiches sont déjà tous partis et pourtant, il y a encore des personnes qui se présentent et qui ont faim. Depuis quelques mois, la demande ne fait qu’augmenter et l’équipe se démène pour trouver quelques fruits, des pain rapportés par une bénévole, des soupes chaudes pour que chacun puisse avoir de quoi survivre jusqu’au lendemain.

Il est 18h, les deux accueils de jour sont fermés. Alors que tous les gens « normaux » rentrent chez eux, ces pauvres hères restent dans le quartier. Pour certains, c’est un squat qui les attend. Pour d’autres, c’est la Halte de nuit. Une maraude bénévole passe mais n’a que des conserves à proposer. Comment faire réchauffer cette nourriture quand on vit à la rue ?

Il est 21h, enfin la Halte de nuit ouvrre. Immédiatement, c’est une trentaine de personnes qui entrent et se précipitent vers le bar où un repas chaud est servi. Ce sont le souvent des bénévoles qui servent les repas et leur accueil chaleureux réchauffe autant que la nourriture. Les autres accueillis arriveront plus tard dans la soirée et auront aussi droit à leur repas. Ces repas sont complets et sont mangés avec des vrais couverts, de vraies assiettes, à table. Ceux qui le souhaitent peuvent ramener leur alcool, c’est accepté ici, d’autres donnent les restes à leurs chiens qui sont de la partie. Un peu comme une grande famille, même si pour certains, c’est douloureux de penser à tous ceux dont ils se sont séparés ou qui sont décédés.

Lors de cette journée type, ce sont 120 repas servis à l’Accueil Solférino, 50 à la Halte de nuit. Des collations et des boissons sont données aux 150 à 200 personnes qui passent au Point de Repère, au 200 qui passent à l’accueil de jour Solférino.

Mais avec quel financement ? L’Etat donne une subvention annuelle de 40 000 euros pour cela. Cela vous semble impressionnant ? C’est à relativiser avec le coût de cette prestation pour l’Association : Autour de 160 000 euros en 2022, on devrait dépasser les 210 000 euros en 2023 ! Les coupables ? La hausse des coûts, bien entendu, mais aussi la hausse des besoins et de la fréquentation. Heureusement qu’il y a les dons financiers des particuliers et de certaines fondations qui permettent d’assurer ces coûts !

 Il y a encore quelques mois, il y avait des restes, on ne consommait pas tout le pain qui était acheté. Il servait à nourrir des chevaux et des poules pour ne pas être jeté !

Désormais, ce n’est plus le cas. A la fin de la journée, il ne reste absolument rien. Cet été, avec la fermeture estivale des Restos et des autres associations de distribution, c’était encore pire.

A la rue, en 2023, c’est difficile à croire, mais on peut encore avoir faim. Qui a dit il y a déjà 30 ans, qu’on n’avait plus le droit d’avoir faim ?

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