2 octobre 2025

Changer de regard sur l’addiction

Nous en entendons parfois parler dans les médias nationaux : la question de la consommation de plus en plus fréquente et importante de cocaïne en France est une réalité sur l’ensemble du territoire national. Et la métropole lilloise n’échappe pas à cette tendance.

Cette consommation concerne toutes les couches sociales de la population.

Mais les personnes consommatrices « plus insérées » ont davantage les moyens de réguler leurs consommations et de faire en sorte qu’elles ne les coupe pas de toute vie sociale et du travail, même si cela se fait avec plus ou moins de succès.

 Les personnes qui sont en situation de grande précarité et particulièrement celles privées de domicile sont bien plus en difficulté et il leur est beaucoup plus compliqué de ne pas être entièrement » happés » par le produit et la consommation.

Nous constatons chez de nombreuses personnes accompagnées par l’abej SOLIDARITÉ et consommatrices de cocaïne ce que nous appelons le phénomène de « centration » : 100% du quotidien, des ressources et de l’énergie sont consacrés au profit exclusif de la recherche et de la consommation du produit. Et c’est encore plus vrai chez les consommateurs de cocaïne basée (autrement appelé crack) qui sont de plus en plus nombreux.

Cela demande une adaptation et un accompagnement particulier : lorsque la personne est désireuse et disponible pour une démarche, un soin ou un temps d’échange, il faut saisir l’instant présent. En effet, à peine quelques minutes plus tard il se peut que ce ne soit plus du tout le cas. Nos équipes ne renoncent pas pour autant et il faut faire preuve de beaucoup de patience, accepter de s’adapter au réel de la personne qui n’est pas du tout le nôtre.

Ce qui est particulièrement paradoxal avec la consommation de produits stupéfiants, c’est que bien souvent il s’agit au départ d’un réflexe de survie : « je consomme parce que j’ai trop mal, que mon quotidien est un enfer, parce que cela me permet d’oublier, de tenir le coup » … Puis cela devient un enfer et une prison dont il est extrêmement difficile de s’extraire.

Il est plus qu’urgent de changer de regard sur les personnes consommatrices et de les considérer d’abord comme des personnes ayant besoin d’aide, d’accompagnement et de soins plutôt que de les voir uniquement comme des délinquants et des personnes potentiellement dangereuses.

A cet égard il est effarant de constater que des pays plus petits que la France ont déjà implantés plusieurs dizaines de Haltes Soins Addictions (autrement appelées salle de consommation à moindre risques) alors qu’en France les deux seules salles de Paris et de Strasbourg sont parfois remises en question par les politiques malgré les études scientifiques et sociologiques qui démontrent leur intérêt pour l’ensemble de la population (consommateurs ou non). Ce sont des outils d’accompagnement et de réduction des risques indispensables.

Il nous faut ensemble changer de regard sur les personnes consommatrices pour promouvoir une vraie politique d’accompagnement et de réduction des risques, car le seul prisme de la répression et de la criminalisation ne suffira jamais à résoudre ce défi pour notre société.

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