8 octobre 2024

Maison Corinne Masiero : l’évaluation confirme l’intérêt de ce lieu de vie particulier

En mars 2023, l’abej SOLIDARITE et CèdrAgir ont ouvert ensemble un lieu de vie destiné à des femmes en errance, usagères de drogue : la Maison Corinne Masiero. Cette expérimentation, financée par l’Agence Régional de Santé Hauts de France et la DIHAL (Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement) dans le cadre d’un appel à projets sur les grands marginaux a été évaluée par un cabinet extérieur, l’agence Phare, dont la mission a été financée par la DDETS (Direction de l’Économie, de l’Emploi, du Travail et des Solidarités) du Nord. Le rapport final vient d’être publié et il est extrêmement positif.

Le Premier enseignement est que la Maison Corinne Masiero atteint bien le public qu’elle visait, à savoir ces femmes qui ne fréquentaient plus ou peu les dispositifs classiques du fait de leurs modes de vie et de leurs difficultés. Comment on y arrive ? En adaptant les règles de fonctionnement à leurs problématiques :

  • Une orientation souple et réactive, sans liste d’attente, par les équipes de première ligne : Maraudes de l’abej SOLIDARITE et du Samu Social, Halte de Nuit, Sleep In (CAARUD avec hébergement).
  • Possibilité d’aller et venir librement au sein de la maison
  • Présence d’une équipe socio-éducative et d’une infirmière 24h sur 24
  • Formation de toute l’équipe aux pratiques de Réduction des risques
  • Ce sont les femmes qui choisissent la durée de leur séjour, dans la limite de 6 mois renouvelable une fois

Tout ceci est renforcé par le caractère non mixte et sécurisé de la maison. Se retrouver entre femmes n’est pas forcément vu comme une raison d’intégrer la maison pour les femmes orientées mais elles se rendent vite compte de l’opportunité que ça représente et surtout de la sécurité que cela leur apporte par rapport aux violences subies dans la rue et dans les milieux de deal ou de prostitution.

Le rapport final note aussi des effets notoires sur les trajectoires des résidentes. La stabilisation des consommations constatée est un moyen et non une fin en soi. L’équipe travaille de manière holistique sur les projets et les envies des résidentes de manière globale, sans faire de l’arrêt ou de la diminution des consommations l’objectif du séjour. Ceci permet, peut-être de façon un peu paradoxale, de rendre leur pouvoir d’agir aux femmes qui diminuent d’elles-mêmes leurs consommations et travaillent sur leur projet de vie dans une relation fondée sur plus de sincérité et d’authenticité que dans les structures traditionnelles où on ne parle que de vouloir arrêter de consommer.

L’étude faite par le cabinet met en lumière trois types de résultats en fonction de la durée de séjour :

  • Pour les courts séjours, un accès à un lieu sécurisé qui permet de se reposer, de renouer avec un bien-être global, amorce de démarches administratives ou médicales parfois pérennes
  • Pour les moyens séjours, l’autonomisation des femmes est renforcée, renforcement de la relation de confiance envers les professionnels, suivi favorisé avec les autres structures
  • Pour les longs séjours, il y a une inflexion tangible des trajectoires personnelles avec une véritable évolution des situations administratives, sociales, professionnelles et sanitaires des femmes.

Le rapport note enfin l’importance du maintien du lien avec les femmes après leur sortie de la Maison Masiero, en lien avec les structures où elles sont orientées. Ces partenaires notent une adhésion plus forte à l’accompagnement et trouvent un soutien pour appréhender la dimension de réduction des risques parfois mal comprise par les équipes.

Le rapport se conclue par des préconisations concernant la Maison Corinne Masiero mais aussi les autres structures accompagnant ces femmes usagères de drogue en situation de grande marginalité. La première préconisation est bien entendu la pérennisation de ce dispositif innovant, mais on trouve aussi la nécessité de continuer à interroger constamment les règles du dispositif avec les résidentes, développer les temps collectifs, favoriser les co-accompagnements avec les partenaires, inviter les autres dispositifs à venir visiter la Maison Corinne Masiero… Le rapport appelle aussi à généraliser l’approche Réduction des Risques au sein des dispositifs traditionnels ou à proposer des espaces spécifiques pour les femmes afin de mieux les prendre en charge.

Ce rapport a été présenté aux équipes et aux financeurs qui peuvent tous se féliciter de la réussite de l’expérimentation.

Un travail est désormais engagé pour trouver les moyens financiers et l’organisation qui permettront de pérenniser le dispositif afin de continuer à accompagner au mieux ces femmes en grande difficulté.

Partager :