6 février 2025
De logement, en logement et pour finir la rue : le parcours de Hervé, 28 ans
En 2018, Hervé part en Irlande pour une opportunité de travail chez Accenture, une entreprise collaborant avec Google. Mais après deux ans, la crise du Covid bouleverse tout. Il enchaîne alors plusieurs petits boulots : hôtellerie, plonge, grande distribution, usine de viande… « J’ai tout testé. » Il reste quatre ans sur place avant de ressentir le besoin de rentrer en France.

En mars 2022, il quitte l’Irlande pour s’installer chez sa mère, dans le sud de la France. Mais le retour est compliqué. Après plusieurs années d’absence, il doit refaire tous ses papiers (CAF, sécurité sociale, impôts…) avant de pouvoir retravailler. Chez sa mère, la situation est tendue. « Mon beau-père disait que je devais partir, que je devais vite trouver un endroit. Mais moi, je venais juste de rentrer après quatre ans… J’étais perdu. » Plutôt que de s’imposer, Hervé prend ses affaires et rejoint un ami qui lui promet du travail à Saumur, en région Pays de la Loire.
Sur place, la situation est difficile, et il lui faut du temps avant de trouver un emploi. Il finit par décrocher un poste en intérim, puis un CDI chez McDonald’s. Mais après quelques mois, il comprend qu’il ne peut pas rester dans ce petit village. « Je parle quatre langues, mon métier de base, c’est le commerce. Je veux autre chose. » Un pote lui propose de venir à Lille et de l’héberger pour 200 €. Hervé hésite : quitter un CDI pour une opportunité incertaine ? Il finit par tenter le coup.
En avril 2023, il arrive à Lille, mais tout ne se passe pas comme prévu. Il galère à trouver un emploi. En août, il décroche un poste de serveur… avant d’être licencié deux semaines plus tard. Deux jours après, son coloc lui annonce qu’il doit partir. « Il m’a dit : ‘Désolé, mais Julie ne veut plus que tu restes.’ Je rentre et je vois mes affaires alignées contre la porte. Comme ça, frère ? Sérieux ? »
Sans solution, il tente de se débrouiller autrement. Il dort chez des femmes rencontrées en soirée ou chez un ami à Amiens. Il fait la connaissance de Daniella, à qui il raconte sa situation. Elle lui propose de l’héberger un mois, mais la cohabitation devient compliquée. « Un jour, elle me dit qu’elle veut avoir un enfant avec moi. J’ai répondu que je ne voulais pas. Quelques jours après, je suis parti. »
En octobre, après des recherches, il trouve un Airbnb pas cher à Douai, où il passe trois semaines. Pendant ce temps, il travaille chez Darty à Lille, faisant chaque jour l’aller-retour.
En novembre, il loue un petit appartement à Lomme, pensant enfin être à l’abri. « Je payais mon loyer, je bossais… Ça commençait à aller. » Mais juste avant de fêter un an dans son logement, il subit une agression. Des hommes forcent la porte et le frappent violemment. « J’ai fini en sang, mais je suis resté debout. Quand les voisins ont ouvert la porte, ils ont pris peur et sont partis. » Traumatisé, Hervé ne remet plus les pieds chez lui. Il se retrouve à la rue.

C’est la première fois qu’il vit dehors. Il essaie de trouver un foyer, mais il n’y a pas de place. « On ne dort pas vraiment dans la rue. On surveille, on attend que le matin arrive. » Il dort où il peut : près d’une église, à la Halte de nuit de l’abej SOLIDARITÉ, ou dans un coin discret. Parfois, il passe la nuit en boîte de nuit pour avoir un peu de chaleur et d’ambiance. « Je restais jusqu’à 6h du matin, et après, j’allais me poser ailleurs. »
Aujourd’hui, Hervé rejoint les Bureaux du Cœur, qui mettent à disposition des bureaux inoccupés le soir et le week-end pour héberger temporairement des personnes en situation de précarité. Cela lui permet de retrouver un cadre sécurisé et stable pour se reconstruire. Il entame aussi un programme d’insertion. Il voit enfin une porte s’ouvrir. « Ça commence à aller. Je peux commencer à rêver. »